Il y a 30 ans, le 4 avril 1995, le président de la République François Mitterrand inaugurait les bâtiments du centre de recherche et du musée de Bibracte.
Familier du Mont Beuvray, François Mitterrand, chef de l’Etat depuis le 10 mai 1981, conserve un fort attachement pour ses terres nivernaises dont il est élu depuis 1946. Le Mont Beuvray demeure un rendez-vous régulier, tantôt intimiste, tantôt solennel. Au printemps 1995, bien qu’affaibli par la maladie, le Président ponctue les derniers mois de son mandat de visites officielles, inaugurant plusieurs réalisations de l’ambitieux programme des « Grands travaux de l’Etat », initié en 1989. Cinq jours après la Bibliothèque nationale de France, c’est au tour du Centre archéologique européen et du musée de Bibracte d’être inaugurés.
Le 4 avril 1995, par une après-midi ensoleillée, le Président de la République, accompagné de son épouse et de membres du gouvernement, rejoint deux cents personnalités morvandelles et bourguignonnes sur les flancs du mont Beuvray pour y saluer l’aboutissement d’un double chantier mené en quatre ans, parallèlement aux fouilles et à l’accueil des visiteurs.
Le président, suivi par Jacques Toubon, ministre de la Culture, et Jack Lang, son prédécesseur, initiateur du projet « Bibracte » en 1984, découvre d’abord les espaces du musée, guidé par les responsables de l’équipe chargée de la coordination des fouilles, de la mise en valeur du site et des chantiers de construction : Michel Collardelle, président, Jean-Loup Flouest, coordonnateur scientifique et les membres du conseil scientifique de Bibracte. Le bâtiment, ouvert au public à partir de juillet 1995 et dont la muséographie sera véritablement achevée en 1996, est l’œuvre de l’architecte Pierre-Louis Faloci, qui conçoit également le centre de recherche et ses bâtiments annexes.
Après avoir dévoilé la plaque d’inauguration du musée, c’est donc une autre plaque qui attend François Mitterrand : celle du centre de recherche, qui s’élève à 5 km du musée, dans le village de Glux-en-Glenne. 2000 m2 associant bureaux, laboratoires, bibliothèque, salle de conférence, espaces de conservation. La visite s’achève par une signature sur le livre d’or et un détour par la cafétéria flambant neuve au milieu du bourg, pour s’attabler avec quelques proches (le Docteur Signé, conseiller général, Hubert Martin, maire de Glux, Marcel Corneloup, maire de St Léger, Jack Lang, Bernard Bardin, président du Conseil Général de la Nièvre et Michel Colardelle, président de la S.A.E.M).
Faute de discours, c’est la presse de l’époque qui livre les rares paroles du président en ce 4 avril 1995 :
« C’est là que les chefs gaulois ont prêté serment de fidélité à Vercingétorix. On peut dire que c’est le premier signe de l’unité française et j’aime le symbole ».
(Agence France Presse, 4 avril 1995)
Quelques semaines plus tôt, François Mitterrand confiait à Franz-Olivier Giesbert, dans les colonnes du Figaro :
- LE PRESIDENT - Puisque nous parlons de Vercingétorix, il a quand même gagné quelque temps, bien que les peuples gaulois ne fussent pas en mesure de résister à la machine romaine. C'est à l'oppidum gaulois de Bibracte qu'a été tentée ce qu'on pourrait appeler la première forme de l'unité française. Faut-il parler d'unité française ? Les mots sont un peu forcés, mais c'est là que les chefs gaulois sont venus prêter serment de fidélité à Vercingétorix. Pour la première fois, des tribus, des provinces, représentées par leurs chefs, se sont senties solidaires les unes des autres.
- QUESTION - Vous pensez que l'embryon de la France est apparu ce jour-là ?
- LE PRESIDENT - Ce n'était pas la France, mais une première tentative d'unité.
(Le Figaro, 13 mars 1995)
Il faut remonter dix ans plus tôt, le 17 septembre 1985, pour trouver un témoignage plus fourni de la vision que le Président de la République avait de Bibracte.
Tandis qu’il déclarait solennellement le site archéologique de Bibracte – Mont Beuvray « site national », il le décrivait en ces termes :
« Depuis près de quarante ans, je parcours tous ces chemins. Ici même, mais avec moins de compagnons qu’aujourd’hui, je suis souvent venu, à mon tour, imaginer, rêver ce que pourraient être Bibracte et le mont Beuvray, rendus à notre histoire. Déjà, on pouvait le percevoir le long des chemins creux, entre les racines des hêtres.
À travers deux millénaires, certains de ces parcours sont restés identiques – je veux parler de la nature – car l’œuvre des hommes devait subir des transformations que nous sommes en train d’étudier. Le mont Beuvray, vous le voyez, ce paysage derrière moi, c’est celui de la Bourgogne, de la Saône-et-Loire. De l’autre côté, c’est le Nivernais. Ce Morvan, dont je vous parle, certains d’entre vous savent qu’il ne m’est pas étranger.
(…)
Ce site suggère des messages qu'il faut entendre. Bibracte a dû son opulence et sa force, pour une bonne part, aux échanges intenses entretenus : avant les Romains, puis entre les Eduens et les Romains, puis après Vercingétorix. Au 18e siècle, des érudits bourguignons, tels le magistrat Le Gouz de Guerland et l'Abbé Courtepée, porteur d'une fameuse histoire de la Bourgogne, ont fait accepter cette idée novatrice d'apports successifs et étroitement imbriqués d'ancêtres finalement communs à l'histoire de cette région. Nous devons continuer à reconnaître comme tels les apports d'aujourd'hui.
(…)
Bibracte fait partie de notre passé. Mais elle n'est pas tout notre passé. Les Gaulois font partie de nos ancêtres. Mais nous en avons bien d'autres. Voyons donc ce qui nous rapproche, connaissons ce qui nous différencie, à l'intérieur, comme à l'extérieur. C'est cette réflexion qui me vient surtout à l'esprit, au moment où j'érige avec vous Bibracte, site national, haut lieu de l'histoire de France.
C'est aussi une invitation à regarder cet horizon bien au-delà de ses limites. Croyez-moi : il n'y a pas de simplification réductrice de la cohérence profonde d'un pays comme le nôtre. Ce que nous devons rechercher, ce sont les chemins de la cohésion nationale. Tel est le sens profond de la République elle-même. Telle est, du moins je le crois de toutes mes forces, la vocation de la France.
Un musée de site